Épisode 8 : ⚔️💊⚔️
Tout l'art de la diplomatie, c'est de connaître plus de secrets sur votre rival qu'il n'en connaît sur vous
traitement consultation chronologie chimiothérapieBatailles, il mena
Tous les 15 jours, toutes les saloperies de 15 jours. Une journée en hôpital de jour, 4 jours à gerber, immobile dans le lit, ponctués par des crises violentes, de le salive qui arrive à la manière des chutes du Niagara, des vomissements, des rots à s’en sortir les boyaux. Heureusement, j’ai le droit à quelques moments de répit, entre chaque cure.
Ça reste compliqué, j’ai le cerveau mou, l’impression que réfléchir est de plus en plus difficile. Assis devant mon éditeur de texte, je tente de pondre un peu de code, mais ce n’est pas si simple, avec de l’houmous (aux tomates séchées, le meilleur) à la place du cerveau. Je commence sérieusement à en avoir raz la casquette de ne rien pouvoir entreprendre de pertinent. Franchement, je sens que je perds le goût de faire des choses. C’est absolument terrifiant, pour quelqu’un comme moi, qui aime faire plein de choses. J’espère sincèrement que tout ce merdier va servir à quelque chose.
Les conducteurs de taxi, les infirmières, tout le monde est choqué par la violence et la répétitivité des crises. Les anti-hémétiques n’y changent rien, c’est extrêmement fatigant. Après tout je n’ai pas vraiment le choix, donc je fais avec. Dès que j’ai la force de faire une activité, même un truc que le commun des mortels trouve nul à chier, genre le ménage, je saute sur l’occasion avant qu’elle ne dise paresse1.
La chimiothérapie, c’est clairement pas de l’homéopathie. Ça tabasse, comme un album de brutal death. Comme à mon habitude, j’évite au maximum de me plaindre, parce que je trouve ça inutile. Je garde le cap, après tout ce n’est qu’un mauvais moment, qui se répète tous les 15 jours (lol), à passer.
3 mois plus tard, la première phase s’achève, j’ai donc rendez-vous pour un petit scanner de contrôle des familles. Bon, ce paragraphe n’est pas drôle, alors j’abrège, pour passer au fun.
Scanner de contrôle, il passa
Le rendez-vous pour le scanner est à un horaire bien pourri, genre 16h30, le truc qui te flingue complétement la demi-journée (en plus, il faut être à jeun). Bon de toute façon, n’ayant pas vraiment la force de faire quoi que ce soit ça ne change pas grand chose à ma journée.
C’était sans compter sur le taxi, qui a complétement zappé mon trajet. 16h, toujours personne, ah, there is problem. Je passe un coup de fil à l’entreprise de transport.
Ah ?! Pardon mais on vous a complétement oublié ! Je vous envoie quelqu'un tout de suite !
Bah encore heureux ! Mec ! À la suite de cette péripétie, je tente d’appeler l’hôpital, pour prévenir de mon retard. Aahahahahaha, appeler un standard à l’hôpital, après 16h30, quelle bonne idée ! Le standard de radiothérapie ne réponds pas, bon, pas de problème, je tente le standard d’accueil.
Je ne peux rien faire pour vour monsieur, c'est saturé, appelez le gniagniagniagnia jusqu'a ce que vous tombiez sur quelqu'un.
Super, merci, j’ai que ça qu’a foutre, comme on dit. Bien sur gniagniagniagnia c’est le numéro que j’ai composé juste avant, donc il ne marche juste pas. Je reste calme, et je tente l’ultime solution, appeler le secrétariat de gastro-entérologie, quand j’ai une réponse (oui oui, ça arrive parfois), ça se passe plutôt bien. Après plusieurs tentatives, parce que oui soyons honnêtes, faut pas imaginer que j’ai une réponse au premier coup de fil, je finis par tomber sur une secrétaire. Je lui explique donc la situation qui est assez simple : le transporteur m’a zappé, et je serai en retard pour mon scanner, il serait judicieux de les prévenir.
Elle tente donc d’appeler la radiologie, peau de zob ! Normal, elle a exactement le même numéro que moi.
WHAT THE FUCK ?!
Ça veut dire que, à l’intérieur du même hôpital, les services utilisent les numéros publiques pour discuter les uns avec les autres. On marche sur la tête ou quoi ? Si y a un besoin urgent, qu’est ce qu’on répond au patient ?
Ah bah la ligne est saturée, crevez plus tard, merci !
Bref, elle s’acharne un petit peu et elle finit par avoir le service de radiologie. Le message est passé. Ouf.
Peu de temps après, arrive mon conducteur. Un peu affolé, il pensait que c’était une urgence médicale (c’est déjà arrivé une fois). Bah non mon petit pote ! C’est juste ton collègue chargé des trajets qui m’a zappé ! On roule tranquillement et j’arrive avec une bonne grosse heure de retard. Passé 17h, tout est fermé, donc je me présente à l’accueil mais il est vide, bien sûr.
Je tente de guetter s’il se passe quelque chose dans les salles d’attente des scanners, rien. Je ne sais même pas dans quelle salle je dois aller, alors je me promène, genre farfadet des fôrets en espérant tomber sur quelqu’un.
Un peu plus loin, dans le couloir, je tombe sur un guichet qui n’a rien à voir, mais qui est encore ouvert, j’explique donc mon petit souci. Encore une fois on ne peut rien faire pour moi. Bon, là ça commence à me saoûler.
MAIS un membre du personnel passe juste à côté au moment où je commence à me tirer du guichet. Bien sûr, vu ma gueule, elle comprends rapidement que je cherche quelque chose. Elle me propose son aide. MIRACLE, elle va directement interroger les personnes responsables du scanner pour savoir ce qu’il en est. Youpi !
Je m’installe en salle de préparation, une infimière arrive pour me poser le cathéter, elle me pose les habituelles questions sur l’allergie, si j’ai déjà fait un scanner (avec un K généralisé, je commence à être habitué). J’en profite pour la prévenir, il me faut un haricot (NdR : petit récipient) , parce que ça risque de criser sévère. Je suis prêt, direction le scanner. Je m’allonge et on entame les images sans injections, avec cette même voix, enregistrée :
Attention, gonflez les poumons, retenez votre respiration
Une première fois, puis une seconde et on passe aux images avec injection. La manipulatrice, sympa, me propose de diffuser plus lentement le produit, pour éviter une réaction trop violente. Et c’est parti. 4 secondes après le démarrage, je serre le haricot, je sens que ça va venir. Ça ne loupe pas durant les images, j’ai des hauts le coeur, et la gerbe qui arrive. J’ai tellement de salive qui arrive que j’ai l’impression qu’on remplit une cuvette de chiotte.
Dès que c’est terminé, je crache tout, et je continue. La préparatrice est sur le cul, elle n’avait jamais vu de réaction aussi violente au produit d’injection. En même temps, je subis ça tous les trois mois, mon corps commence à être légèrement mécontent de ce qu’on lui fait subir.
Terminado, on me retire le cathé, je me fringue et je repars. Comme à l’habitude, je n’ai pas les images ni le compte-rendu donc je ne sais toujours pas comment notre ami a évolué. Mais je vais vite le savoir, la consultation est prévue une semaine plus tard.
Consultation, il assista
Ce coup-ci, je m’assure que le taxi ne m’a pas oublié. J’arrive à l’heure, pour la consultation avec le gastro-entérologue qui a entre-temps reçu les résultats du scanner. Il me demande comment ça va je lui réponds que ça va plutôt bien mais que les traitements sont de plus en plus compliqués à enchaîner. On discute des effets secondaires que j’ai évoqué dans le premier paragraphe de cet article, donc je ne vais pas vous la refaire. Rapidement, on en vient à évoquer les résultats du dernier scanner.
LA MALADIE N’A PAS ÉVOLUÉ !
PREMIÈRE BONNE NOUVELLE APRÈS UN AN ET DEMI DE GALÈRES INTERMINABLES.
La chimiothérapie a fonctionné ! Quelle joie ! Bon, ce n’est pas une régression mais au moins, ça ne s’est pas propagé d’avantage. Du coup, il m’explique la suite. L’idée est de stabiliser, en passant à un traitement moins violent basé sur celui qui a marché. La bonne nouvelle c’est que le traitement peut être pris par voie orale ! Ciao les journées à l’hôpital ! Malgré tout, il me propose l’alternative, à savoir, tous les 15 jours à l’hôpital. Mais il sait très bien que mon choix est déjà fait.
Le nouveau protocole fonctionne de la manière suivante. Pendant 15 jours, je suis bourré de cachetons, matin et soir. Au bout des ces 15 jours, j’ai le droit à une semaine de répit, le temps de digérer le merdier, faire une prise de sang pour être certain que le traitement est bien tolété au niveau hépatique. C’est aussi durant cette semaine de pause que je passe en coup de vent à l’hôpital, pour faire le point avec l’oncologue.
Bon, comme d’hab, le médicament a son lot d’effets secondaires :
- inflammation de la muqueuse buccale
- herpès
- déshydratation
- perte de poids, insomnie
- dépression
- maux de tête
- sensations vertigineuses, fourmillements
- troubles du goût
- larmoiement
- conjonctivite
- irritation oculaire
- essoufflement
- saignement de nez
- constipation
- brûlure d’estomac
- ballonnement
- bouche sèche
- éruption cutanée
- chute de cheveux
- sécheresse cutanée
- démangeaisons
- trouble de la pigmentation
- mal de dos, douleurs articulaires
- phlébite
- baisse des globules rouges ou des globules blancs
Ça c’est pour les symptomes les plus courants. Quoi qu’il arrive, ça ne pourra pas être pire que les injections à l’hôpital, alors je prends.
Xeloda, il prendra
Ah pour trouver des noms stylés, croyez-moi, y’a du monde. Entre PADA-12, genre
Que la force anti-cancéreuse soit avec toi !
Et Xeloda, l’épée mystique tirée d’un compte d’heroic-fantasy. On tape clairement dans l’originalité de haut vol ! Bref, moi je pars pour le Xelodada, en dose de cheval3.
Pendant 15 jours, j’ai le droit à 10 cachetons par jour, 5 le matin, 5 le soir. Ouais, ça fait beaucoup, surtout quand on voit la taille des machins. Si ça peut m’éviter de me casser le cul à faire des trajets à l’hôpital pour ensuite me trimbaler la pompe, pendant 3 jours, je vais pas me plaindre non plus, hein.
Ah oui, je dois quand même expliquer le
On s'occupe de tout avec votre pharmacie
Au sens de l’hôpital, ça veut dire en fait, qu’il faut soit même appeler la pharmacie en question pour qu’elle commande le produit, original, hein ? Sachant pertinemment que l’hôpital ne ferait rien, j’ai pris les devants, et j’ai bien fait puisqu’au téléphone, la pharmacienne m’a répondu
Ah bah, non, nous on était au courant de rien, vous aviez bien fait
Bah tiens, comme par hasard.
Bref, j’en suis à ma troisième cure de Xeloda. Je peux donc me permettre de faire un retour un peu construit.
Parmis les effets secondaires listés ci-dessus, fort heuresement, je n’ai pas grand chose. J’ai quand même des gros coups de fatigue et je dois absolument me reposer une bonne demi-heure pour que ça passe. Avec le coeur qui s’emballe, des montées en température et l’impression d’étouffer…
Heureusement, c’est désagréable mais indolore. Niveau transit, par contre, c’est un peu la roulette russe, malheureusement, ce sont des passages extrêmement fatigants.
Le gros problème, c’est que, pour une raison inconnue, j’ai des rages de dents, liées à mes dents de sagesse, pile poil pendant la prise du traitement. Ce que je veux dire par là, c’est que louchement, tout disparait pendant la semaine de pause. D’après l’oncologue, ce n’est pas lié, mouais, facile à dire, quand on voit avec quelle exactitude ça apparaît.
Pour les dents, heureusement, je m’en occupe à la rentrée et tout va dégager, de toute façon, je n’ai pas la place pour qu’elles poussent donc ça sera merci bonsoir.
En dehors de ça, je dois dire que ça passe plutôt bien. Malgré une lassitude à se goinfrer de médicaments en fin de seconde semaine. J’ai réussi à contrebalancer le phénomène de cerveau mou expliqué dans le premier paragraphe. J’ai réussi à remettre mon cerveau en marche. J’ai pondu du code4, dont je suis très fier. L’écriture de ce programme m’a permis d’en faire un article de blog5. C’était essentiel pour relancer la machine cérébrale. J’aime réfléchir, j’aime faire de choses, ça me stimule. Sur cette lancée j’ai profité de l’énergie pour avancer dans les travaux de la maison (enduit, peinture, jardin, potager). J’ai la sensation de retrouver un rythme de vie et des activités qui me permettent de mettre entre parenthèses ce vieux crabe avec qui je partage mon quotidien.
La suite des événements ça sera la rentrée. J’espère pouvoir reprendre le sport même si, avec la chambre implantable, je suis dans l’incapacité de reprendre le kick-boxing 🥊. Je vais probablement m’orienter vers d’autres sports, escalade 🧗, badminton 🏸, ça sera la surprise !6. J’ai aussi d’autres projets, tout aussi fun. D’une part, je vais continuer à coder, continuer à lire, continuer à écrire, en particulier mes nouvelles sur Palom.be, à bricoler, à jouer (MtG Arena, FTW) et le nouveau gros morceau de cette année : le streaming. Bien sur, quand tout sera prêt je mettrais mes délicieux lecteurs et délicieuses lectrices au parfum. Stay tuned !
Après discussion avec l’oncologue, il est préférable que je reste en arrêt de travail jusqu’au premier retour de ce nouveau traitement. Comme d’habitude, ça sera un scanner de contrôle suivi d’une consultation. Si la situation est stable, on continue, sinon, on repart sur quelque chose de plus costaud.
J’espère scincèrement que la sainte épée du Xeloda est capable de trancher les morceaux de K restant.
Wait and see.
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Qualité indéniable de ce jeu de mot, merci public ! ↩︎
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Poke Gladii Melora ! ↩︎
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Purée, l’humour ça fuse ici ↩︎
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Another one bites the Rust : Lessons learned from my first Rust project ↩︎
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Bon en fait pas tant que ça, ça va dépendre des horaires et des jours d’entraînement ↩︎